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Dossier de l'heure


Centres jeunesse

L’APTS représente la très grande majorité du personnel des services jeunesse. Les porte-paroles de ces quelque 10 000 intervenant·e·s dénoncent depuis des années la difficulté de mener à bien leur mission en raison d’une surcharge de travail et d’une gestion déficiente. L’APTS a témoigné en leur nom devant la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse en mai 2020. Elle a aussi présenté son mémoire devant la commission chargé de réformer la Loi sur la protection de la jeunesse en février 2022.

Nos recommandations

Élaborées au terme d’une vaste consultation de plus de 60 membres de la plupart des régions du Québec provenant des première et deuxième lignes, nos recommandations portent sur l’organisation et le financement des services, les conditions d’exercice des intervenant·e·s ainsi que le cadre législatif et le fonctionnement des tribunaux. En voici l’essentiel.

Organisation et financement des services

Loin de colmater les brèches déjà existantes, les réorganisations administratives du réseau de la santé et des services sociaux ont aggravé les difficultés et en ont créé de nouvelles en centralisant à outrance la prise de décision. Alors qu’elles devaient favoriser la continuité des services, en intégrant les centres jeunesse au sein de larges centres intégrés les fusions d’établissements ont éparpillé les ressources spécialisées, démantelé les lieux de concertation et réduit l’accès aux services pour les familles. Nous avons des recommandations pour pallier ces reculs.

Diminuer les étapes pour le transfert de dossiers entre services et éviter les retours au guichet.

Ces difficultés d’accès aux services peuvent avoir des répercussions graves pour les enfants. Les services de première ligne jouent un rôle crucial pour prévenir le développement de problèmes importants. Un besoin de soutien psychosocial peut se transformer en besoin de protection selon la longueur des délais d’intervention. De longs mois s’écoulent entre le moment où une personne se présente au CLSC et celui où elle obtient des services. Il faut donc faire en sorte que la première évaluation soit suffisamment complète pour que la référence soit appropriée dès le départ.

Désigner un·e intervenant·e pivot pour toute intervention auprès d’un·e enfant en première ligne.

La collaboration avec des partenaires (écoles, services de garde et organismes communautaires) est un élément essentiel afin d’assurer un filet de protection efficace. Les compressions budgétaires, les réformes et la surcharge de travail ont privé nos membres d’espaces de concertation essentiels à leur travail. Il faut permettre une continuité dans les services et leur adaptation aux besoins des familles concernées.

Encourager la co-intervention en libérant les intervenant·e·s de première ligne d’une partie de leur charge de travail.

Les services dédiés à la jeunesse sont riches de leurs professionnel·le·s aux formations diverses. Au lieu d’en tirer profit et de miser sur une approche globale pour la famille, le modèle actuel les confine à leur charge respective. Plutôt que de travailler en silo, ils et elles doivent être en mesure de suivre un dossier pris en charge par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).

Favoriser l’accès à des espaces de concertation et à des communautés de pratique.

L’interprétation de l’intérêt de l’enfant n’est pas simple et l’application de la loi est tout aussi complexe. D’où l’importance pour les intervenant·e·s de bénéficier de l’objectivité et du recul nécessaires afin de ne pas précipiter la prise d’une décision lourde de conséquences.

Créer une structure autonome au sein des centres intégrés, regroupant l’ensemble des services de protection de la jeunesse ainsi que les services psychosociaux et de réadaptation complémentaires.

Le manque de cohésion et de collaboration ne pourra être corrigé sans la coordination d’une direction unique bénéficiant des ressources humaines et des budgets nécessaires à l’accomplissement de son mandat, défini par la Loi sur la protection de la jeunesse. L’imputabilité qu’elle imposerait aux directions de la protection de la jeunesse ne se reflète actuellement pas dans le pouvoir administratif qu’elles détiennent au sein des centres intégrés.

Si le cadre des CISSS et des CIUSSS ne permet pas de dispenser adéquatement les services jeunesse et d’atteindre les objectifs fixés en matière de protection de la jeunesse, il faudra possiblement rendre la mission jeunesse indépendante des centres intégrés, et ce, dans l’intérêt des enfants et des familles du Québec.

Réinvestir massivement en fonction des besoins de la population dans les services placés sous cette gouvernance.

Avec un manque à gagner à 269 millions de dollars en juin 2019 pour le programme Jeunes en difficultés, les sommes octroyées au cours des dernières années ne suffisent pas pour répondre aux besoins, et ce, malgré les investissements annoncés depuis par le gouvernement du Québec.

Il faut réinvestir pour améliorer les conditions de travail et de pratique de nos membres et pour restaurer une approche préventive auprès des enfants et des familles en mettant en place un dépistage précoce, étendu et systématique, qui réduirait le nombre de signalements à la source.

Créer une institution permanente et indépendante, un·e Protecteur·rice de l’enfance et de la jeunesse, responsable de l’élaboration et de l’application d’une politique nationale contre la maltraitance des enfants.

Cette personne serait nommée par l’Assemblée nationale pour lui permettre d’influencer les politiques en matière de protection de la jeunesse. Ce porte-étendard des enfants veillerait au respect de leurs droits, identifierait les facteurs de risque et interviendrait au besoin.

 

Conditions d’exercice des intervenant·e·s

L’APTS est très préoccupée par la surcharge de travail dans l’ensemble du réseau de la santé et des services sociaux ainsi que par les difficultés d’attraction et de rétention de la main-d’œuvre. Nos membres sont à bout de souffle. Pour être en mesure d’offrir l’intensité et la fréquence d’intervention requises par une famille et d’obtenir des résultats tangibles, les professionnel·le·s doivent avoir le temps de travailler adéquatement.

Évaluer la charge de travail en fonction de la complexité des cas.

La charge ne devrait pas être évaluée en fonction du nombre d’enfants suivis, comme c’est le cas actuellement. La charge réelle des cas par personne salariée dépasse souvent les standards ministériels, qui ne sont plus adaptés aux situations traitées aujourd’hui. Il en va de même pour les dossiers à l’étape de l’évaluation et de l’orientation, où ce n’est pas le nombre de dossiers mais le temps moyen requis qui doit être revu.

Les ratios en vigueur dans les centres de réadaptation, soit environ un·e éducateur·rice pour six jeunes, ne correspondent plus à la lourdeur des cas. L’application de ce ratio prive les jeunes de l’intensité de service requise et place trop souvent les intervenant·e·s dans des situations où leur sécurité est compromise.

Favoriser l’attraction et la rétention du personnel en adaptant les conditions de travail aux réalités propres aux services de protection de la jeunesse.

À la suite de la dernière réforme, les conditions de travail du personnel des centres jeunesse ont été ajustées à celles des autres personnes salariées du réseau sans que ce soit nécessairement approprié.

Pour améliorer la capacité d’intervention, il faut entre autres garantir l’accès au développement professionnel afin d’offrir une pratique de qualité aux jeunes recevant des services.

Axé sur la reddition de comptes et des critères quantitatifs, le modèle de gestion actuel éloigne les services des besoins de la population. Les intervenant·e·s des services jeunesse déplorent le manque de compréhension, de reconnaissance et de soutien de la part de l’employeur dans la réalisation de leur travail. Leur autonomie et leur expertise doivent être reconnues.

 

 

Cadre législatif et fonctionnement des tribunaux

En matière de protection de la jeunesse, la sphère judiciaire se juxtapose à la sphère sociale. La Convention relative aux droits de l’enfant reconnaît officiellement le statut de sujet de droit de l’enfant, son droit d’être protégé et celui de participer aux décisions le concernant. L’appropriation de ce concept par le législateur québécois se traduit non seulement dans son corpus législatif, mais aussi dans la pratique courante en protection de la jeunesse.

Adapter la disposition des salles d’audience et de la chambre de la jeunesse aux besoins des enfants et faire en sorte de minimiser l’impact de la judiciarisation sur les enfants et de maximiser leur participation.

De façon générale, l’organisation matérielle des tribunaux n’est pas adaptée à la réalité des enfants. À l’exception de la Chambre de la jeunesse de Montréal, qui offre un modèle plus moderne, la majorité des salles d’audience du Québec sont disposées de façon traditionnelle et sévère. La présence de personnes bienveillantes et expérimentées ayant recours à des techniques pour apaiser les enfants est une approche à développer.

Développer un meilleur arrimage entre les milieux clinique et judiciaire en offrant de la formation aux juges et en établissant des instances de concertation entre les deux milieux.

Le milieu juridique n’est pas très au fait de l’organisation générale des services jeunesse, de sorte que ses ordonnances de services restent trop souvent sans suite. Un enfant en situation de haute vulnérabilité pourrait, par exemple, ne pas avoir accès aux services en temps opportun en raison de multiples délais et procédures. Il faut corriger le fait qu’aucune règle ne vient présentement encadrer la concertation nécessaire visant à assurer un arrimage constant.

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